le dragon repenti |
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Il était une fois un joli prince
amoureux, originaire du Verger Lorrain et qui voulait épouser la
princesse Prunebelle. Ce fut une immense joie dans le pays à l'annonce du mariage de Pruno avec sa bien-aimée. Toutes les prunes, toutes les quetsches se hâtaient de mûrir; chacune soignait son joli teint: un violet doux, gracieux et chaud qui donnait de belles couleurs de santé aux fruits. |
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Prunette, impatiente de participer aux festivités se rongeait la pulpe pour savoir comment descendre avant tout le monde du quetschier. Elle se trémoussait sous la brise d'automne, elle bleuissait de colère en s'échinant à arracher la tige qui la retenait prisonnière. Les dames d'âge mûr, à la robe de violet dépassé, essayaient de la raisonner. "Ton tour viendra, petite impatiente !".
Un beau matin, alors que la rosée perlait sa jupe mauve bonbon, Prunette sentit l'emprise de la tige lâcher l'ovale. "Oh! Ah..." eut elle le temps de crier et elle tomba sur le chapeau d'un bolet Satan qui la maudit comme un beau diable. |
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Elle vit quelques chandelles danser et se sentit mal lorsqu'elle regarda là-haut les grappes de ses sœurs pendouiller dans le vide. Elle se mit aussitôt en route vers le château de Pruneville. D'autres demoiselles, vêtues de poussière d'or partaient. Certaines avaient le teint hâlé, d'autres des joues bien riantes qui rosissaient dans l'air chaud de l'après-midi. Des guêpes et surtout ces gros messieurs de bourdons vinrent quémander des faveurs :
"Non, reprirent elles en chœur, allez donc chez les pommes, ce sont de bonnes poires. |
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De loin, enfin, les premières distinguèrent les énormes bâtiments ovales de la ville. Les ruelles étaient proprettes; le grand parc avait été aménagé pour accueillir en forme d'amphithéâtre-panier les milliers de visiteurs.
Surprise ! La place était vide, Prunette s'approcha d'un pruneau ridé: "Mon bon vieux, que se passe‑t‑il ? Où sont donc les courtisans ?". ‑ ah! mam'zelle, le vilain dragon est revenu et cette fois‑ci il a ravi les deux fiancés. J'ai bien peur que nos deux tourtereaux vont avoir de sérieux pépins.
‑ Mais où sont donc les citadins, les Prunevillois ? ‑ Ils sont partis à la recherche de cet ignoble monstre..." |
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Le soir tomba vite. Les fruits qui avaient roulé leurs bosses dans toute la contrée revinrent la pulpe vide et l'esprit chagrin.
"Cette bestiole s'est retirée dans son antre maléfique. Il faut ce soir même imaginer une méthode pour l'attirer chez nous!" reprit Prunion, le menton en marmelade.
"Ah, je le tenais, mais il m'a balancé sa queue sur la tranche. je sais où il séjourne. Nous allons lui réserver une surprise.
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La prune de Damas toujours prête à partir en croisade répliqua: ‑ S'il ramène sa fraise, je lui administre une châtaigne en pleine poire et je l'envoie dans les pommes!
‑ Quetsche que vous dites ?, demanda un fruit curieux et sourd ... comme un pot de confiture. "
La nuit se passa à élaborer toute une stratégie pour venir à bout de l'horrible dragon.
La première tentative se solda par un échec. L'animal en marchant sur un pont quetsches, tomba certes à l'eau, mais il savait nager.
Les fruits en furent quitte pour une douche glacée dans la rivière mais ils ne baissèrent pas leurs tiges.
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Le second piège était ingénieux: quelques
belles prunes appétissantes, à la chair fraîche se sacrifièrent pour
attirer le ravisseur. Lorsqu'il s'approcha pour gober les malheureuses
il tomba, dans la crevasse. Mais ce fut un jeu d'enfant pour lui de
s'envoler et de regagner son repaire. La bête devenait méfiante.
Aussi, pour éviter qu'on vienne délivrer ses deux prisonniers, le gros lézard les emporta sur sa carapace. Les amoureux étaient coincés entre ses crêtes. Ils n’osaient tenter la moindre fuite. Le lance-flammes les avait prévenus:
"Je vous réduirai en tas de cendres. Je vous assommerai avec ma queue acérée si vous comptez vous évader! " |
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Le Grand Conseil du Tonneau s'était rassemblé : à l'issue de la réunion, le comité avait ordonné au régiment prussique de délivrer les victimes. Un guet-apens fut organisé. En effet, le dragon avait l'habitude de sortir de la forêt par l'allée des merisiers. Des troupes d'élite s'occupèrent de la délivrance.
La bête insouciante, avançait en se dandinant. En passant sous les frondaisons, deux échelles de coupée furent lancées. Telles des araignées, quelques soldats courageux descendirent du filin, agrippèrent le couple princier . Au bout d'un moment, le dragon s'aperçut de l'absence de ses prisonniers. Son cri horrible se répercuta dans le silence des forêts : au comble de la furie destructrice, il écrasa tout sur son passage. |
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Mi-figue, mi-raisin, le Grand Ecuyer dans son habit violet cardinal se déclara heureux de leur délivrance mais disait‑il :
"la situation n'est guère optimiste tant que ce monstre ne sera pas neutralisé."
On était à court d'idée. Que faire ?
C'est alors que la bonne fée Quetschebelle intervint et mit tout le monde d'accord. Elle avait une recette infaillible pour apprivoiser ce glouton. Il suffisait de suivre ses recommandations. Aussitôt dit, aussitôt fait.
Elle feuilleta un vieux grimoire. "Voyons... voyons... Lèguemesriches... Lekmerisch ... ça y est!
Chers amis, voilà mes recommandations: Cueillez des fruits fermes et en bonne chair. Retirez les noyaux
‑ Ecrasez les pyrales qui sont des larves d'insectes et nos pires ennemies. N'hésitons pas à éliminer nos cousines véreuses car si le ver est dans le fruit, on ne sera pas gâté !
‑ Faites cuire à feu doux pendant 24 heures, mes amis... oui 24 heures! |
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Le succès de l'opération est à ce prix. Il faudra vous relayer autour le mon chaudron magique. Qu'une équipe parte déjà chercher les fagots pour activer le feu tout à l'heure! "
Et l'on vit dans la campagne des cohortes d'ouvrières s'activer à la cueillette; même la reine-claude mit la main aux branches.
Le chaudron en cuivre retrouva son éclat et les fruits juteux le remplissaient progressivement. La bonne fée y ajouta quelques morceaux de poire pour la soif... d'en manger. La cuisson commença. Petit à petit, les fruits baignaient dans leur purée onctueuse.
‑"Surtout pas de sucre ! avait ordonné la fée, car nos fruits vont le dégager eux-mêmes par l'opération de l'auto‑caramélisation dans la bassine."
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Ce fut une dure nuit, les gouttes de nectar perlaient au front des dames, tandis que ces messieurs fleuraient bon le miellat pour avoir activé le feu.
Le résultat dépassa les espérances le lendemain matin. Une confiture brunâtre s'étalait dans la bassine brûlante. Chacun se léchait la babine à l'idée d'en savourer, mais la fée veillait avec son écumoire et gratifiait les gourmands d'une série de coups à les rendre encore plus mordus de cette panacée.
"Non, tout doit être réservé à notre dragon. Mes petites quetsches ont baigné dans leur propre sirop sans adjonction de sucre. Leur substance en s y incorporant leur donne ce velouté si agréable qui subjuguera la bête."
On creusa une énorme fosse dans laquelle on versa le produit.
Maître dragon par l'odeur alléché plongea dans le breuvage, fit bombance et s'en soûla au point d'enfler. |
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On mit en place une catapulte qui lui envoya quelques noyaux pointus sur la truffe.
Par ailleurs, il lui devenait de plus en plus difficile de se dépêtrer de sa gangue mirobolante. Alors, la bête fantastique, au bord de l'asphyxie dans cette purée succulente, implora le pardon. Elle promit de devenir le gardien de la ville. Depuis ce jour, le cher dragon veilla au bien-être du Verger Lorrain. Et lors de la cérémonie du mariage avec Pruno, la jolie Prunebelle s'exclama ‑ " Pour une fois, on ne s'est pas battu... pour des Prunes! "
Texte et dessins: les élèves de C.M 1 ‑ C.M 2 de l'école Binet de FAREBERSVILLER (classe de M. KLEINHENTZ ) 1994-1995
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